6 ans – (presque) 18 mois de rémission

Il y a quelques semaines Alphonse a eu 6 ans. Peu après son anniversaire, il avait une IRM de contrôle. Maintenant que je sais que cette IRM est normale, je me suis dit que ce cap valait bien quelques nouvelles.

  • Sur le plan médical

Depuis qu’il a fini son protocole, Alphonse n’a plus de traitement. Pas de chimio de maintenance ni de piqûre quelconque. Le cisplatine puis carboplatine étant délétères pour l’audition, il reste un audiogramme à effectuer – à distance des chimios – pour évaluer sa perte d’audition. C’est un point qui ne m’inquiète pas : nous voyons bien que notre petit garçon n’est pas gêné dans la vie quotidienne. Si cette perte d’audition est avérée, il s’agira probablement des hautes fréquences. Il ne deviendra jamais violoniste, qu’importe ?!

L’autre point médical, et pas des moindres, est la régularité des IRMs. Tous les trois mois. Je pense qu’il est impossible de se rendre compte de la charge émotionnelle que ça représente sans le vivre. Nous offrons systématiquement un petit cadeau à Alphonse à l’issue de ces IRMs (très souvent des petites voitures Cars, il commence à en avoir une sacrée collection !). Pour cette raison, il aurait plutôt tendance à se réjouir de ces jours de « grosse machine ». Il est bien le seul. Un mois avant chaque examen, je ne cesse d’y penser. Une semaine avant je perds le sommeil. Un état de stress qui rejaillit sur l’ensemble de la famille.

Enfin, il y a toujours les séquelles des chimios. Nous avons vu une nette amélioration de l’état de fatigue générale à la Toussaint, soit plus d’un an après les traitements. Ne reste plus que ce petit nez qui n’en finit pas de couler, et avec l’hiver c’est reparti de plus belle.

  • Sur le plan moteur

Les pessimistes mettraient en avant qu’Alphonse est encore –  toujours – en situation de handicap. Il a toujours un syndrome cérébelleux très prononcé, surtout du côté droit, qui lui demande beaucoup d’énergie et continue à le fatiguer. Il porte toujours des attelles de marches, des tubes de plastique qui lui enserrent le pied et remonte jusqu’en dessous des genoux.

Les optimistes riposteraient qu’il continue à progresser. Toujours. Il est volontaire et affirmé. Il nous surprend régulièrement. Il nous bluffe constamment. Il tient enfin correctement son crayon (quand il y pense) et a développé la motricité des doigts, indispensable à l’écriture. C’est un point qu’il travaille sans relâche avec son ergo et nous voyons les fruits de ses efforts. Il a gagné en autonomie, que ce soit pour l’habillage, pour la toilette ou les repas. J’ai tendance à lui proposer un peu trop souvent mon aide, et lui l’accepte beaucoup. Mais je suis convaincue que dans un futur peut-être proche, il pourra être autonome. Dès qu’il l’aura décidé en fait (dès que sa petite sœur l’aura dépassé ?)

Il a pris de l’assurance dans l’eau. Il a réussi à pédaler pour la première fois à Noël (avec stabilisateurs, évidemment). Nous l’emmenons régulièrement à l’escalade. Et mon petit garçon est fier – à juste titre ! Alors même si le quotidien est éreintant, même si je souhaiterais le voir se déplacer avec aisance, je reste optimiste. Il y arrivera. Un jour.

  • Sur le plan visuel

Les lunettes qu’il porte depuis juin ont grandement amélioré son strabisme. Il est toujours là, d’autant plus sévère qu’il est fatigué mais il y a du mieux, incontestablement. Il garde le cache oculaire 2h par jour, et il le supporte de plus en plus mal. Il faut bien avouer que 2 ans, n’importe qui trouverait ça long.

L’opération des yeux semble inévitable. Il faut trouver le bon créneau entre suffisamment grand pour être sûr du diagnostique (l’angle du strabisme) et suffisamment jeune pour que le cerveau s’adapte et que cette opération ne soit pas qu’esthétique. Dans ma tête, cet âge se situe aux alentours des 7 ans, mais ce n’est que mon ressenti et je ne comprends pas toujours correctement ce que disent les médecins.

  • Sur le plan cognitif

Je pensais que tout allait bien mais il y a en fait quelques petites ombres au tableau. Alphonse rencontre des difficultés de mémorisation et de repérage dans l’espace. Peut-être découvrira-t-on d’autres éléments dans les mois / années à venir. Mais il est encore tellement petit que j’ai bon espoir que tout rentre dans l’ordre. D’autant que ça se passe très bien en classe. Il commence à déchiffrer ses premiers mots, faire ses premières addition : il est loin d’être en retard. Et je suis à la fois rassurée et ravie. Néanmoins, une vigilance constante s’impose.

  • Sur le plan social

Je ne pensais pas que ça aurait un impact et pourtant je ne peux nier l’évidence. Sa triste expérience l’a marginalisé. D’une part, il lui manquait tous les codes sociaux que les enfants acquièrent le plus souvent en crèche / début d’école. Alphonse a eu une nounou catastrophique sur ce point et a raté ensuite une année d’école. Il a du mal à communiquer avec les autres enfants de son âge sans que ceux-ci se sentent agressés (vous savez, la fameuse distance à respecter). Et pourtant il essaye d’autant plus fort que son handicap l’empêche de courir et de se mêler aux autres enfants pendant les temps de récréation. C’est très dur de l’entendre dire qu’il n’a pas de copains. Mais là encore, si je suis triste pour lui, je ne suis pas inquiète : en grandissant il va apprendre, rattraper son retard de tous ces codes qui composent notre société. Et les autres vont également peu à peu s’assagir. Il y a quantité de jeux auxquels lui aussi peut jouer, au même titre que les autres. Il suffit de ne pas choisir le foot.

L’autre point : il a développé des troubles anxieux. Pas étonnant quand on sait ce qu’il a traversé. Mais il peut se laisser submerger par l’émotion et s’y noyer. Une chute, et le voilà complètement paniqué. C’est pour cette raison que nous avons gardé ses tétines. Il n’en a plus besoin pour dormir, mais il n’y a rien de plus efficace pour le calmer et l’aider à s’apaiser. Ça ne dure que 30 secondes, mais ce sont 30 secondes nécessaires.

Voilà pour les nouvelles. Il n’y a rien que j’espère plus que tous ces points positifs le restent.

Je vous souhaite à tous et à toutes une belle année 2019. Et si tu fais partie de ces parents touchés par le destin : courage ! Je veux croire qu’il existe une lumière au bout du tunnel.

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